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L'inoubliable Daniel Balavoine
26 juin 2013

Balavoine Le sentiment d'abord

Balavoine Le sentiment d'abord

LEMONDE | 08.10.84 | 00h00  •  Mis à jour le 08.10.84 | 00h00

A quoi bon interroger le chanteur Daniel Balavoine à propos de la politique ? " Je ne regarde pas la politique telle qu'elle est. Et quand je dis quelque chose à la radio ou à la télévision, ce ne sont pas des jugements ou des opinions, ce sont des sentiments qui sont formulés. Donc j'ai l'impression qu'il y a toute une foule de questions tournant autour d'un monde politique existant - probablement existant puisque tout le monde en parle - qui ne me concernent pas. Je crois que tout ce qui se passe en ce moment politiquement ne me concerne tout simplement pas. "

Ce divorce, Daniel Balavoine l'avait dénoncé avec fougue lorsque le candidat Mitterrand l'avait invité en 1980 à partager son temps d'antenne, à la télévision, le temps d'un journal.

Aujourd'hui, il ne met plus en garde. Il dit ironiquement : " Je ne pense pas que ce soit grave. Je pense que ce divorce n'est pas encore assez accentué. Le jour où ce sera bien, c'est quand le divorce sera complet, le jour où à un premier tour d'élection une énorme majorité de gens iront voter - puisque c'est comme çà que doit fonctionner une démocratie, en principe - mais pourront dire enfin que, dans le choix qui leur est proposé, il n'y a rien qui leur convient. "

A tant de " structures " périmées selon lui, Daniel Balavoine oppose le vœu d'une "structure vide, ouverte, (...) dans laquelle pourraient entrer les individus et les idées de chacun ". Alors que pour le moment " on fait l'inverse. On nous propose l'idée communiste, l'idée socialiste, l'idée machin... et ensuite, le but de l'opération, c'est d'essayer de rassembler le plus grand nombre possible de gens en les abêtissant au maximum, en leur mentant, autour de ces idées initiales ".

Pourtant, s'objecte-t-il à lui-même, " les jeunes continuent de voter. (...) C'est un truc que je ne comprend pas non plus... Encore que : vous entrez dans un magasin ; vous voulez un pantalon rouge. On vous dit : il n'y en a que des verts, des bleus et des jaunes. Vous y allez une première fois en disant : non, j'en veux un rouge. La deuxième fois, vous n'allez pas ressortir à poil, vous allez en prendre un bleu ou un vert. C'est tout ce qui se passe. C'est ce qui montre la petitesse, la mesquinerie du milieu politique en soi. C'est tout petit, un peu ridicule. "

" Tout un état d'esprit " est donc à modifier. Le problème, " c'est pas de faire faire les voitures par des bacheliers. On s'en branle de çà. Personne n'a le courage d'admettre en ce moment qu'on ne pourra rien les uns sans les autres. Et ça c'est une horreur ".

Aussi, réclamer d'abord un nouvel inventaire des désirs, des aspirations accessibles à tous, n'est pas pour Balavoine le fait d'un " rêveur ", mais une démarche naturelle. Même s'il sait que le " cercle infernal " va se reformer et qu'il faudra bientôt recommencer. " C'est tout, c'est simple, c'est de l'amour, du sentiment, certains diront que c'est du romantisme. Moi, c'est ce que je pense. (...) J'enfonce des portes ouvertes, et alors ? Si c'est si facile que ça, pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens qui le font ? On me dit : c'est facile, vous ramenez votre gueule. Mais pourquoi les gens ne ramènent pas leur gueule si c'est si facile que ça ? "

Dans le ciel de cette politique du sentiment - des bons sentiments, - le président de la République passa comme un météore. " Mitterrand m'a attendri, ça va faire rire plein de gens que je dise ça peut-être. Mais moi, il y a quatre ans, quand j'ai rencontré François Mitterrand, ce bonhomme a provoqué chez moi suffisamment de sentiments, et non d'idées, pour que pour la première fois de ma vie - la dernière d'ailleurs a priori - je fasse le geste de voter.

" J'ai trouvé en face de moi un homme ; un papy d'abord -pour moi, c'est un papy ce mec-là. J'avais l'impression d'être en face d'un bon papy -avec ses compromissions et tout ce qu'on veut, y a pas de raison qu'il soit différent des autres, on s'en branle de ça, -en face d'un bonhomme qui s'accrochait un peu au guidon.

" Il me posait des questions extrêmement sensibilisantes : qu'est-ce que vous voulez, de quoi parlez-vous ? Et moi je lui réponds : je ne sais pas ; mais c'est déjà tellement beau de savoir ce qu'on ne veut pas. Qu'est-ce que vous voulez faire pour sauver les gens qui n'ont rien à manger ? Je ne sais pas, mais je ne veux plus qu'il y ait de gens qui n'aient rien à manger ; c'est déjà un fondement. Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas quoi faire qu'on est idiot. Déjà on se bat, avec le sentiment qu'on a. "

Quatre ans ont passé. S'il rencontrait François Mitterrand aujourd'hui, Daniel Balavoine lui dirait tout simplement " qu'il n'aborde plus les sujets comme il faut ". Il lui dirait : " Vous êtes hors du coup, en fait, voilà. "

Hors du coup aussi mais bien malgré eux, les opprimés, les pauvres, les affamés, dont les légions innombrables "frappent à la porte ".Il va falloir partager le gâteau, prophétise Balavoine, et ceux qui ne voudront pas " vont recevoir les pauvres sur le dos et en crever ".

Une graine de violence, alors, au milieu de tant de sentiments ? Possible. " Je crois que je suis un peu paumé en fait, par moments. Je suis un peu perdu parce que j'ai l'impression d'être dans le bon, dans la logique humaine. Et d'un autre côté, lorsque je me retourne pour faire le constat de ce qui a pu se passer avant, je me dis : ça va être difficile d'avoir le changement et la douceur, c'est vrai... "

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