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L'inoubliable Daniel Balavoine
26 juin 2013

Un rallye " impossible " ?

Un rallye " impossible " ?

LEMONDE | 22.01.86 | 00h00  •  Mis à jour le 22.01.86 | 00h00

L'hélicoptère dans lequel cinq personnes ont trouvé la mort, mardi 14 janvier, à 10 kilomètres de Gourma-Rharous, au cours de la douzième étape du Rallye Paris-Dakar, n'a pas percuté une dune et n'a pas été victime d'un vent de sable. Les premiers arbres se trouvaient, d'autre part, à 400 mètres du point d'impact. Il s'est écrasé de nuit, certes, mais sur un terrain plat et par temps calme. Les révélations de M. Bruno Bagnoud, le père du pilote, au quotidien suisse le Nouvelliste du Valois n'élucident pas cependant la question : qui était aux commandes de l'appareil ?

Peu avant 18 heures, au décollage de Gao, c'était Thierry Sabine. Un carnet personnel de François-Xavier Bagnoud, retrouvé par son père, l'indiquerait. Plusieurs témoins le confirment. Arrivé à Gao à 15 h 57 en compagnie de Cyrille Pecheric, un collaborateur d'Antenne 2, le pilote suisse se serait opposé à la volonté de Thierry Sabine de repartir. Mais ce dernier s'étant installé dans le cockpit avec ses trois passagers - Nathaly Odent, Daniel Balavoine et Jean-Paul Le Fur - et ayant mis en route la turbine, François-Xavier Bagnoud se serait alors résolu à monter à bord.

Ni plan de vol ni autorisation

Cinquante et une minutes plus tard, à 18 h 47, la Lada de Pierre Lartigue, puis la Range Rover de Michel Bosi sont arrêtées par l'hélicoptère posé au beau milieu de la piste, à 21 kilomètres de l'arrivée. Le vent de sable est tombé, mais il fait nuit noire. Sabine, estimant que " c'est trop dangereux de repartir ", demande aux équipages d'alerter l'organisation et de leur envoyer une voiture. Que s'est-il passé ensuite ? Pourquoi l'hélicoptère a-t-il, malgré tout, redécollé ? Pourquoi s'est-il écrasé et qui le pilotait à ce moment-là?

Pour les premières questions, M. Bruno Bagnoud, pilote chevronné lui-même, fondateur de la compagnie d'hélicoptères Air-Glaciers, spécialisée dans le secours en montagne, émet des hypothèses : malaise du pilote, défaillance technique... " A moins, dit-il au journaliste suisse qui l'interroge, qu'on ait tiré sur l'hélicoptère. " Dans cette région frontalière du Mali avec le Burkina-Faso, pays ennemi, le couvre-feu est en vigueur à 18 heures, et Thierry Sabine, en décollant de Gao, n'avait ni déposé un plan de vol ni sollicité une autorisation.

" Le pilote aurait dû être François-Xavier Bagnoud ", déclare M. Yves Benzaken, directeur commercial de la société Héli-France, qui avait loué trois appareils " avec pilote " à Thierry Sabine Organisation. L'enquêteur de la direction de l'aviation civile envoyé sur place dès le jeudi 16 janvier avec des experts de l'Aérospatiale et de Turboméca, les constructeurs de l'Écureuil, démontrera-t-il le contraire ? Il déclencherait alors une belle bataille de procédure entre les experts des assurances.

La polémique soulevée par l'enquête éclair de M. Bruno Bagnoud au Mali - parti de Genève mercredi soir, il était de retour le samedi matin avec la dépouille mortelle de son fils - fait rebondir la question de la sécurité autour du Rallye, que Thierry Sabine avait voulu " plus long et plus dur " cette année.

Pour le pilote suisse Michel Bosi, dont c'était le quatrième " Dakar " et qui était onzième au classement général au moment de l'accident, " les concurrents étaient prévenus, ils savaient à quoi s'en tenir. D'ailleurs, je n'ai entendu personne se plaindre d'avoir été piégé ". Mais il estime que l'organisation était insuffisante pour un parcours aussi difficile avec des temps de repos aussi réduits. " Il s'est avéré qu'il y avait Sabine et personne d'autre, dit-il. Il a surestimé ses capacités et celles de son hélicoptère. Un seul appareil ne pouvait pas à la fois diriger la course, secourir des blessés et partir à la recherche des égarés. "

A moins de soutenir un rythme infernal. Or François-Xavier Bagnoud, vingt-quatre ans, un surdoué de pilotage, commençait à accuser la fatigue. Le soir au bivouac, il se confiait à ses copains valaisans de l'Écurie des sables. Cinq à dix heures d'hélico par jour dans des conditions de tension extrême, c'était, disait-il, " plus que limite ". Le mardi matin 14 janvier, une demi-heure avant le départ de Niamey, il confiait à Michel Bosi : " Si ça continue comme ça, on va se casser la gueule. J'ai envie d'abandonner. "

Hélicoptères : accidents en série

Depuis quelques jours - les témoignages concordent, - Thierry Sabine s'installait de plus en plus souvent à la place du pilote. " François-Xavier nous disait qu'il devait constamment réfréner les ardeurs de Thierry, l'aider et corriger ses approches grâce à la double commande ", rappelle Michel Bosi. Rien n'établit que ce fut le cas le soir du drame : " Thierry était incapable de piloter un hélicoptère de nuit, et il le savait mieux que personne, a indiqué Patrick Fourticq, pilote de ligne à Air France et responsable de la flotte aérienne du Paris-Dakar. Jamais François-Xavier Bagnoud ne lui aurait laissé les commandes pour un vol de nuit. "

En 1984, l'hélicoptère de Thierry Sabine avait été détruit lors d'un atterrissage. Cette année, l'appareil d'Antenne 2 a subi le même sort. Sans faire de victime. En revanche, l'an dernier, sur le chemin du retour, l'un des trois hélicoptères mis à la disposition de TSO par l'Aérospatiale et Héli-France s'était écrasé en Mauritanie, faisant un mort et quatre blessés graves. Michel Anglade, le pilote de Thierry Sabine pendant la course, est d'ailleurs toujours en convalescence.

Fatalité ? " A la suite de cet accident et dans la perspective d'une reconduction de nos accords, nous avions demandé à TSO que certaines conditions de sécurité tant en vol que de maintenance soient respectées, précise la direction de l'Aérospatiale. Or nous n'avons jamais reçu de réponse. "

Pour lui-même, pour son équipe et pour les concurrents, Thierry Sabine avait tendance à toujours repousser les limites du possible, parce que, disait-il, " le Dakar n'est pas une aventure comme les autres ". L'an dernier, après l'hallucinante étape de Tichit, en Mauritanie, où le Rallye s'était perdu corps et bien dans une tempête de sable, la peur rétrospective avait délié des langues. Notamment celle de Daniel Balavoine : " C'est son truc à Thierry, ça, les missions impossibles façon commando en campagne, disait-il le 19 janvier 1985. Si quelques-uns veulent le suivre, ça les regarde. Mais j'ai bien l'impression qu'il ne va plus trouver tellement de clients à l'avenir. "

Le 1er janvier 1986, ils étaient encore près de mille trois cents au départ à Versailles.

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