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L'inoubliable Daniel Balavoine
13 janvier 2015

«J'ai cédé ma place à Balavoine dans l'hélico qui s'est crashé»

«J'ai cédé ma place à Balavoine dans l'hélico qui s'est crashé»

Le Figaro (13/01/2015)

LE SCAN SPORT - Dans un documentaire retraçant l'épisode dramatique de l'accident d'hélicoptère sur le Dakar en 1986, le journaliste Jean-Luc Roy raconte comment il a échappé à la mort.

Making of : Mardi à 20h45, la chaîne RMC Découverte revient sur le dramatique accident d'hélicoptère qui a coûté la vie à cinq personnes le 14 janvier 1986 en marge du Dakar (Daniel Balavoine, Thierry Sabine, François Xavier Bagnoud, Nathalie Odent et Jean Paul Le Fur). Un documentaire qui s'appuie notamment sur le témoignage de Jean-Luc Roy, journaliste des sports mécaniques, qui a cédé sa place à la dernière minute à Daniel Balavoine ce jour-là. «C'est toujours douloureux d'évoquer ce souvenir. Je repense tous les jours à cet épisode», confie au Scan Sport l'une des voix de la radio RMC Sport qui revient longuement sur cette journée qui a marqué sa vie.

Jean Luc, pourquoi deviez-vous vous trouver dans l'hélicoptère de Thierry Sabine, l'organisateur du Dakar, le jour de l'accident?

Jean-Luc Roy: Je voulais que Thierry Sabine évoque avec moi les étapes précédentes dans le Ténéré, marquées par des chutes très sérieuses, notamment celle de Jean-Michel Baron, décédé après être resté 24 ans dans le coma suite à cet accident. Mais la veille de l'accident, alors que nous commencions à discuter, Thierry me demande de reporter l'entretien car il était épuisé. Il me propose alors de me récupérer le lendemain à Gao en hélicoptère, à un endroit où se situait la demi-étape du jour au Mali, pour rejoindre ensuite Gourma. Là, nous aurions été plus tranquilles pour discuter.

Thierry Sabine et Daniel Balavoine

 

Vous vous rendez-donc au point de rencontre le lendemain…

Oui, et cela tombait bien parce que j'avais un petit avion qui me permettait de me poser partout. Après le vol, je prends un taxi brousse. Le chauffeur est complètement à côté de ses pompes, il heurte une termitière et manque de nous mettre sur le toit… Je le pousse et je prends le volant pour finir arriver sur le site de la rencontre en pirogue. C'est alors que je vois l'hélicoptère transportant Thierry Sabine.

«Nous nous sommes croisés avec Daniel qui m'a demandé si cela ne me dérangeait pas de prendre ma place. Ils montent dans l'hélico, on échange encore quelques mots et je referme la porte…»

Lui est à l'heure mais les concurrents sont en retard. Un détail qui aura toute son importance…

Oui, les concurrents étant pour la plupart perdus, je propose à Thierry Sabine de commencer l'entretien en les attendant. On discute une vingtaine de minutes et les premières voitures et motos finissent par arriver. Thierry ayant beaucoup d'obligations, il devait ensuite repartir avec son hélico. A ce moment-là, ils n'étaient que trois, sans me compter, à devoir monter. Je dis alors à Thierry: «J'ai ce qu'il me faut pour le papier. Je dois aller le taper à la machine à écrire et je ne suis pas obligé de venir avec vous.» A l'époque, nous avions de réelles contraintes de temps pour écrire les papiers…

Jean-Luc Roy (à gauche) et Daniel Balavoine.

 

Avez-vous eu le temps de parler à Daniel Balavoine, qui vous a remplacé dans l'hélicoptère?

Thierry Sabine me répond qu'il va en profiter pour voir si Daniel Balavoine est présent sur place pour prendre ma place. Daniel était venu en Afrique pour l'opération «Pompes à eau pour l'Afrique» avant tout et il devait quitter le rallye le lendemain. C'était une belle occasion pour lui de découvrir l'épreuve en hélicoptère. Nous nous sommes croisés avec Daniel qui m'a demandé si j'étais sûr de mon choix et si cela ne me dérangeait pas laisser ma place. Ils montent dans l'hélico, on échange quelques mots et je referme la porte… Il est environ 18h et la pénombre commence à tomber.

Quelles étaient les conditions météo pendant votre voyage retour?

Je suis rentré de mon côté vers Tombouctou et dans l'avion qui me ramène, je comprends vite que l'hélicoptère de Thierry a dû se poser en raison de la visibilité quasi-nulle au sol. De notre côté, nous avions dû faire cinq approches de la piste en raison de la visibilité nulle. Il avait fallu demander au seul gars dans la tour de contrôle d'allumer les phares d'un camion en bout de piste pour avoir un repère visuel… L'hélicoptère de Thierry s'est effectivement posé à environ 20 kilomètres de l'arrivée. La question qu'on se pose aujourd'hui c'est: «Pourquoi est-ce qu'il est reparti…» L'appareil a décollé de nouveau et se repérait avec les feux arrières d'un 4x4 pour avoir une idée de la direction et de la hauteur. Il avait déjà fait cela pas mal de fois. Mais pour des raisons inconnues, la voiture a du freiner, l'hélico s'est retrouvé projeté devant le véhicule avant d'exploser.

«Nous étions tous des risque-tout et c'est vrai que nous avions tous tendance à cette époque à tenter un peu n'importe quoi parfois.»

Comment avez-vous réagi à l'annonce du crash?

J'ai appris l'accident le lendemain. Un confrère de Radio-France international écoutait la course avec une petite radio et nous dit. «L'hélico s'est crashé, ils sont tous morts!» Nous étions effondrés. Beaucoup de sentiments m'ont envahi dans les minutes qui ont suivi cette annonce. L'incrédulité, d'abord, car il y a souvent des bruits et rumeurs qui circulent sur cette épreuve. Quand l'info a été confirmée sur RFI. Je ne peux pas dire que j'ai eu de sentiment de culpabilité vis-à-vis de Daniel Balavoine mais je n'arrête pas de me poser cette question: «Pourquoi pas moi ce jour-là et pourquoi eux?» Je n'ai jamais trouvé la réponse mais je sais en revanche que si j'étais monté dans cet hélicoptère, je n'aurais jamais eu mes trois enfants, ce que j'ai fait de plus beau dans ma vie. Ce n'était pas mon tour ni mon destin, voilà tout.

Thierry Sabine a-t-il pris selon vous des risques inconsidérés?

Nous étions tous des risque-tout et c'est vrai que nous avions tous tendance à cette époque à tenter un peu n'importe quoi parfois. Et cela passait à pratiquement tous les coups même s'il y avait eu des drames. C'était le rythme du Dakar qui voulait ça mais je ne crois plus que ce soit le cas encore aujourd'hui.

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