Le drame du Paris-Dakar (Nice Matin, 16 janvier 1986)
Le spectacle continue…
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C'est l'implacable loi qu'observent tous les gens du voyage. Mais quand le rideau sera tombé sur le dernier acte de cette tragédie, le Paris-Dakar ne survivra, sans doute pas, à celui qui l'a créé.
Cette année, pour la première fois depuis son lancement, la finalité même de l'épreuve avait été très contestée.
L'étalage de tant de magnificence devant tant de pauvreté, on y voyait là les marques d'une véritable provocation. Mais Sabine avait défendu son enfant avec un tel acharnement, qu'il méritait le respect.
On lui avait reproché, aussi, d'envoyer ses troupes au cassepipes, alors que lui, le général, se planquait à l'arrière.
En prenant autant de risques que les combattants, il a fait litière de ces accusations. Il n'en demeure pas moins qu'il n'avait pas su résister à une certaine paranoïa du pouvoir : toujours plus grand, toujours plus haut. Cédant au gigantisme, il ne pouvait plus maîtriser le « monstre » qu'il avait engendré.
Et s'étaient jetés dans cette cinglante aventure des concurrents sans préparation et sans moyens dont certains engloutirent toutes leurs économies pour avoir l'espoir de contempler un mirage trompeur. Jour après jour, abandons et accidents se multipliaient.
Déjà fertile en accidents, parfois mortels, depuis sa création il y a huit ans, le rallye Paris-Dakar a connu mardi soir un véritable drame avec un accident d'hélicoptère qui a coûté la vie à ses cinq occupants: l'organisateur de la course, Thierry Sabine, le jeune chanteur Daniel Balavoine, la journaliste du « Journal du Dimanche» Nathaly Odent, le pilote de l'appareil et un technicien radio.
L’hélicoptère, de type « Ecureuil », s'est écrasé dans des circonstances encore mal connues sur une dune, vers 19 heures, à 8 kilomètres de Gourma-Rharous, au Mali,
. terme de la deuxième spéciale partie le matin de Niamey, au Niger. La Société Aérospatiale, constructeur des « Ecureuil », a décidé de dépêcher sur place une mission d'experts. L'accident s'est produit alors que la nuit tombait.
Ce drame a provoqué la stupeur sur place et de nombreuses réactions dans le monde de l'automobile et du spectacle en France.
Daniel Balavoine était l'un des représentants les plus talentueux de la jeune chanson française. Il se trouvait sur le rallye, non cette année en qualité de concurrent, mais pour organiser une campagne humanitaire en faveur des populations africaines, en marge de la compétition. Quant. à Thierry Sabine il s'était totalement identifié au Paris-Dakar et lui avait donné une dimension internationale.
Conformément aux souhaits qu'il avait souvent exprimés, les autres organisateurs du rallye ont annoncé que la course se poursuivrait. Toutefois l'étape prévue hier a été annulée et les concurrents ont gagné Bamako, capitale du Mali, en caravane. C'est là, dans la soirée, que la décision définitive de poursuivre le rallye, dont l'arrivée est prévue le 22 janvier à Dakar, a été prise.
Roger BOUZINAC.