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L'inoubliable Daniel Balavoine
9 octobre 2023

Le testament d'amour de Daniel Balavoine (Ici-Paris, 23 janvier 1986)

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Pour se définir, Daniel Balavoine avait inventé une formule : "Je m'emporte pour ce qui m'importe".

 

Tout allait bien. Corinne Balavoine, tout en beauté ce soir-là, souriait doucement en se préparant pour aller dîner avec des amis. Avec la tendresse d'une femme qui aime, elle jetait un coup d'oeil à son ventre qui commençait à s'arrondir doucement. Bientôt, au mois d'avril, naîtrait le second bébé, celui qu'elle allait donner à Daniel, l'homme de sa vie. Dans sa petite chambre du grand pavillon de Colombes, l'aîné, Jérémie, dix-huit mois, était déjà endormi. Une heure avant, papa avait réussi à téléphoner, du fin fond du désert où il allait porter, profitant du Paris-Dakar, des pompes à eua pour que d'autres petits enfants come lui puissent un jour ne plus murir de faim et de soif.

Une heure avant, comment la jeune femme du chanteur aurait-elle pu imaginer que ce coup de téléphone était le dernier message qu'elle, Corinne et son fils Jérémie, recevraient jamais de Daniel ? Dans la nuit, pourtant, c'était le drame. L'hélicoptère "Ecureuil' dans lequel "Bala' comme le surnommaient ses amis, avait pris place aux côtés de Thierry Sabine et de trois personnes, allait se "chrasher" sur une petite dune de rien du tout.

Dans la nuit traitresse du désert, l'homme de tous les coups de coeur allait disparaître, laissant ainsi à Corinne et à Jérémie ce dernier appel en forme de testament d'amour...

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Car il aimait Corinne ! Pour elle, juive marocaine, il avait écrit "L'Aziza", le tube où une fois de plus Daniel criait son horreur du racisme, sa foi dans la tolérance, son respect de toutes les différences. Comme toutes ses chansons, celle-ci était un combat. Elevé dans une famille du Sud-Ouest, très bourgeoise, Daniel Balavoine avait passé dix années de sa jeunne dans une école religieuse. Il n'a jamais dit s'il y avait trouvé ou perdu la foi en Dieu, mais ce qui est sûr c'est qu'il croyait en l'homme. Il avait en l'humanité une foi si puissante qu'elle le conduisait à vouloir changer le monde. Et il avait su mettre en harmoniel'espérance que chantaient ses chansons et son comportement dans la vie.

Chanteur engagé

 

Chanteur engagé Balavoine ? Oui, engagé dans l'amour des autres, beaucoup plus que politiquement. Balavoine ne se référait à aucune idéologie, à aucun parti. Il était du parti de la justice. de l'entraide, de la dignité,  voilà tout. Il le criait d'ailleur, très haut et très fort pour se faire entendre. Il le dit un jour, lors d'un débat, au futur président François Mitterrand. Et il le répéta à l'émission "7 sur 7" où il avait été invité.

"Et que tous ceux qui viennent me dire que c'est facile viennent le dire à ma place !" s'écria-t-il , non sans avoir précisé qu'on ne le ferait pas taire.

La mort a sur faire taire Daniel Balavoine, mais avec lui, elle n'aura pas le dernier mot. Animé par la fougue de la jeunesse, il restera un symbole. Un symbole pour ceux qui ne baissent pas les bras en vieillissant. Daniel Balavoine n'était plus un adolescent même s'il savait bien traduire la révolte de cet âge. Il allait avoir 33 ans et ceux qui voudraient voir en lui un jeune homme attardé se tromperaient gravement. Daniel était à l'âge où les engagements sont vraiment à l'épreuve de la sincérité. Lorsqu'à cet âge-là, on n'a pas, plus ou moins, renoncé à ses idées de jeunesse, c'est que l'on y croira toujours. Et toujours, on trouvera le chemin du coeur des autres. Le public, au sujet de Daniel Balavoine, ne s'y est pas trompé. Il le savait sincère et il le respectait. Dans la foule d'au moins trois mille personnes qui, samedi et dimancher dernier, a piétiné des heures durant dans la pluie et le vent pour rendre un dernier hommage d'amitié au chanteur, il y avait des gens de tous âges. Des adolescentes et leurs mères, des hommes jeunes et des adultes.

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Dans la crypte du funérarium de Nanterre, où une chapelle ardente avait été dressée, ce n'était pas une star que l'on venait saluer un peu par curiosité. C'était un véritable ami à qui l'on voulait dire une dernière fois qu'on l'aimait comme il avait su, lui, aimer les gens du monde entier. A nous tous, Daniel Balavoine qui adorait la vie, le sport, le bateau, le vélo, les automobiles, laissera le souvenir d'un homme qui avait compris et qui osait montrer ce que c'est, justement, d'être un homme qui croit à la vie.

Bientôt, nous pourrons entendre à nouveau sa voix sur un disque souvenir qui réunira ses plus grands succès. Mais aujourd'hui que nous importent ses disques d'or ou les cent mille exemplaires déjà vendus avant l'accident de son dernier album "Sauvez l'amour".

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Ce que nous entendrons, c'est son message, ils sont si peu nombreux, en ces temps troublés, ceux qui sont capables de nous apporter l'espérance.

Oui, Daniel Balavoine était bien autre chose qu'une simple idole des jeunes. Le succès était venu parce qu'il avait quelque chose à dire. Espérons que ce quelque chose n'aura pas seulement été écouté mais vraiment "entendu".

On ne sait aujourd'hui s'il y aura un autre chanteur pour reprendre le flambeau de Daniel Balavoine. Certes, il n'était pas le seul à s'être engagé dans une oeuvre humanitaire. L'action des artistes aujourd'hui se manifeste de cent manières, en faveur de la solidarité, que ce soit en faveur du tiers-monde ou de ceux qui, privés de travail, ont faim et froid chez nous. Mais on peut dire que Daniel Balavoine s'était jeté dans ce combat corps et bien. Et l'a même payé de sa vie et cela mérite au moins le respect.

Ce respect, c'est bien le sentiment dominant que l'on éprouvait lundi, en l'église Sainte-Eugénie de Biarritz où on l'enterrait. Biarritz, c'était encore un coup de coeur de Daniel Balavoine. Quand il voulait se reposer, il venait là marcher sur la plage, juste au pied de l'immensité. "Les terrasses de Marbella" où il avait acheté un appartement de vacances.

Bien que Daniel soit né à Alençons et qu'il ait passé son adolescence à Pau, ses parents ont voulu qu'il repose à Biarritz parce qu'ils savaient que leur fils adorait cette station.

Devant Sainte-Eugénie, une énorme foule silencieuse qui n'avait pu pénétrer dans l'église, faute de place, attendait recueillie. Elle regardait silencieusement passer le cercueil, les parents de Daniel soutenant Corinne, vêtue de blanc. Puis, lorsqu'ont éclaté à l'orgue, et pendant une demi-heure, un choix des belles chansons de Daniel, les larmes se sont mises à couler. "Bala" était soudain de nouveau parmi ceux qui l'aimaient. Non, ce n'était pas triste. Un homme qui meurt en accord avec ses idées, un homme prêt à sacrifier sa vie pour accomplir la passion qu'il s'était donnée, c'est beau. Il faut se taire et saluer.

 

Martine Fell

 

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