L'ascension de l'apprenti chanteur
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Si la brillante carrière de Daniel Balavoine s'est achevée brutalement le 14 janvier 1986 lors d'un funeste Paris-Dakar, elle n'a pas commencé en 1978 avec le triomphe du « Chanteur » (cf. Jukebox Magazine N°18). De son initiation chez Vogue avec le groupe Présence en 1971, suivis de ses débuts en solo, de collaborations diverses, jusqu'à ses deux premiers albums pour Barclay, Thierry Rouault-Le Nan nous rappelle les prémices de l'itinéraire aventureux d'un artiste fort en gueule mais toujours sincère.
Daniel Balavoine est né à Alençon, en Normandie, le 5 février 1952. Il est le petit dernier d'une famille aisée du sud-ouest de la France, son père est ingénieur en urbanisme, composée de cinq garçons : Yves, Bernard, Guy, Xavier, Daniel, et deux filles : Claire et Marie-Françoise.
Du pensionnat aux Beatles A quatorze ans, Daniel lassé de l'autorité de ses professeurs ecclésiastiques tente de mystifier son père en lui disant qu'il veut devenir prêtre. Mais celui-ci n'est pas dupe et comprend ce que souhaite réellement son fils. Il l'envoie donc dans un lycée laïque à Pau. La politique ennuie Daniel et la longueur des études lui fait peur. Il se tourne donc naturellement vers la musique. Sa passion pour le rock est née lors de son long séjour au pensionnat. A seize ans, Daniel entre dans un premier groupe, nommé Memphis, avec lequel il joue dans les bals. Il chante les samedis soir, les après-midi et les nuits de dimanche. IL gagne jusqu'a quatre mille francs par mois, ce qui énorme pour l'époque. Malgré tout, Daniel s'ennuie dans cet orchestre, il ne fait pas la musique qu'il aime. Il décide d'emmener avec lui les jeunes membres du Memphis et crée avec eux le groupe Shake's.
Présence Dès cet instant, il interprète ses propres chansons sur des rythmes rock. Plus tard, il entre dans d'autres formations comme Purple Eruption (expérience qu'il n'aime pas évoquer) ou Réveil. Avec ces derniers, Daniel doit tout réaliser : les musiques et les textes. Les autres musiciens sont d'accord pour jouer s'ils n'ont rien à préparer. Irrité par leur manque de motivation, il quitte Réveil. En 1971, à Paris, le groupe Présence cherche un nouveau chanteur car Erick Saint-Laurent vient d'abandonner la formation. Les membres de Présence ont entendu parler de Daniel Balavoine, et Daniel Daras (claviers), Alain Crépin (guitare), Michel Cohen (basse) et Daniel Baudon (batterie) lui demandent de monter à Paris pour les rejoindre. Présence est la plus sérieuse de toutes les formations dans lesquelles Daniel a joué. Présence a déjà sorti un 45 tours intitulé « Filles du nord », chez Vogue. C'est avec ce groupe qu'il réalise son premier "simple" : « Le jour s'est levé » et « La lumière et la folie ». Daniel quitte Présence au bout d'un an et demi car le groupe se repose entièreent sur lui et le jeune chanteur ne supporte plus cette trop grande responsabilité. Il prend son rôle tellement à coeur qu'il lui arrive d'installer un lit de camp dans le studio d'enregistrement. On dit que la nuit porte conseil et Daniel ne veut laisser passer aucune inspiration.
Débuts en solo De ces séances infructueuses, il reste les inédits : « La Confiture », « Tout va bien » et « Même sans tes fleurs », que Vogue éditera enfin à sa mort, en 1986, sur un mini-33 tours avec le "simple" de Présence et le sien en solo. La période de Vogue n'a pas procuré beaucoup de bonheur au jeune Balavoine. Pour cette raison, il décide de changer de registre en devenant choriste avec son frère Guy. Les frères Balavoine ont la chance de posséder une tessiture vocale particulière, assez recherchée et tous deux passent des journées comlplètes dans les studios d'enregistrement. Ils sont capables d'assurer les choeurs masculins et féminins, ce qui est une aubaine pour les producteurs. 1973 est aussi l'année où Daniel chante dans sa première comédie musicale. En effet, il est engagé comme choriste dans les spectacle « La Révolution Française » monté au Palais des Congrès à Paris par Claude-Michel Schonberg avec Martin Circus pour principale vedette.
Avec Patrick Juvet Il est amusant de noter que le morceau « Unisex » a été écrit par un artiste qui lui aussi débute dans l'ombre de Patrick Juvet : Jean-Michel Jarre. Daniel Balavoine apprend à connaître Patrick Juvet et ses musiciens qui le surnomment balle de foin, balle de son ou encore balle d'avoine . Il remarque la contradiction qui existe entre l'homme et la vedette. Juvet est bien différent du chanteur à minettes qui figure sur les couvertures des magazines pour jeunes. Il ne joue pas la musique qu'il aime. Celle-ci est loin de la variété sucrée pour jeunes filles en fleur. Les albums que Daniel trouve dans la discothèque de Juvet sont plus ceu d'Elton John et ceux du groupe America que ceux de Calude François. Prenant conscience du désarroi de Patrick Juvet, Daniel Balavoine tente de l'aider en changeant son répertoire. Il écrit « Regarde » que Juvet chante en 1974 sur un 45 tours puis « Chrysalide », un album qui sort des sentiers battus et de la varieté française classique. Car « Chrysalide » est un 33 tours de transition dans la carrière de Patrick Juvet. Il est situé entre sa période variété et celle disco dont les albums sont au début produite par Jean-Michel Jarre. Le demi-échec de « Chrysalide » s'explique donc par la surprise du public devant un tel changement de registre.
Le titre « Couleurs d'automne » a été enregistré un soir après les séances de Juvet. Balavoine a demandé l'autorisation de rester dans le studio sans imaginer un seul instant qu'il allait composer le morceau qui lui permettrait de commencer véritablement sa carrière de chanteur. Car même si « Couleurs d'automne » n'a pas été retenu par les radios, il a séduit un des responsables de la maison de disques Barclay, Léo Missir. Ce dernier contacte Daniel qui, voyant là une chance inouïe de se faire connaître, tente le tout pour le tout.
Barclay Interrogé par la revue "Superstars de la chanson", Léo Missir évoque cette première rencontre : « Je vois arriver Daniel, les cheveux longs, très renfrogné, qui avait quitté Vogue et à qui je propose de faire un disque. Et il accepte à la condition de faire un 30 cm (NDLR : un album) par an, d'avoir une liberté de création totale, de pouvoir choisir ses chansons, ses musiciens, son ingénieur du son, son studio d'enregistrement, soit exactement le contraire de la méthode habituelle (...). Sans savoir pourquoi, je lui ai répnsu sans hésiter d'accord ! Il en est resté abassourdi. Il m'a dit : Ah bon ? Et moi : Oui, et même si tu le veux, tu enregistres la semaine prochaine. Moi, je serais derière la console pour superviser le tout. » Ce que Léo Missir ne raconte pas c'est que, en plus de toutes ces conditions, Daniel voulait enregistrer en Angleterre. En fait, il était parti avec l'idée que, pus il serait exigeant avec Barclay, plus il aurait de chance d'obtenir ce qu'il voulait, et il ne s'est pas trompé. En réalité, il est quand même un peu inquiet car il n'a pas assez de chansons pour publier un album. Pour cette raison, il décide d'apprendre le piano et y parvient de façon autodidacte, en l'espace de trois mois. Il est fin prêt pour compose de nouveaux titres que Léo Missir trouve acceptables. Le premier album de Daniel, édité sous la houlette de Léo Missir, paraît en 1975. Il a pour titre « De vous a elle en passant par moi » (cf. Discographie de ce site) et est le fruit de rencontres et de concours de circonstances.
Choriste Mais il bon de revenir sur les événements qui ont permi au jeune Bibo de devenir Balavoine. Au cours des années 1973-1974, Daniel s'est constitué une famille, un entourage solide et déterminant pour la suite de sa carrière. Il en aura connu des galères avant d'arriver dans le bureau de Léo Missir. Avec son frère Guy, il doit gagner sa vie en assurant les choeurs des Fléchettes, une formation féminine du label de Claude François, Flèche. Il chante également derrière les groupes Triangle et Martin Circus. La carrière solo du jeune chanteur n'est pas encore au beau fixe. En septembre 1973, Daniel fait la rencontre qui va le placer sur les bons rails, en la personne de Patrick Juvet. Le chanteur suisse, touché par la voix exceptionnelle du jeune choriste, prend Daniel sous son aile. Balavoine assume donc les choeurs de Juvet à l'Olympia, le 5 novembre 1973, puis accompagne l'idole des jeunes filles lors d'une tournée d'été en 1974. Peu avant l'incident, Florence Albouker et Patrick Juvet ont surpris Daniel jouant et composant au piano en pleine nuit. Conquis par le talent de Balavoine, ils décident de lui accorder de choix dans l'album « Chrysalide ».
De vous à elle... Au cours de ces séances d'enregistrement, Daniel rencontre Andy Scott qui deviendra l'ingénieur du son de tous ses futurs 33 tours. Patrick Juvet est grandement responsable de la carrière de Daniel Balavoine car il lui perme égalment de trouver des musiciens talentueux : Patrick Dulphy, Bernard Serré et Hervé Limertz. Souhaitant défendre son nouveau poulain, Florence Albouker prend en charge la destinée de Daniel. Elle présente le LP « Chrysalide » à Léo Missir, bras droit d'Eddie barclay... et futur père spirituel de Balavoine. La carrière du chanteur est désormais lancée. Daniel vient de signer son premier contrat chez Barclay. A la suite de cet événement heureux, il retrouve Catherine Ferry qu'il avait rencontrée à l'époque de Présence. Elle souhaite démarrer une carrière de chanteuse sans oser en parler à Daniel. Grâce à Aldo Martinez (ami de Coluche et ancien bassiste des Chaussettes Noires d'Eddy Mitchel), elle passe une audition et choisit de chanter « Couleurs d'Automne ». Catherine Ferry éprouve une certaine attirance pour Daniel Balavoine. Aldo devait être assez sensible pour avoir su la remarquer car il décide d'inviter Daniel à l'audition chez Barclay. La vie lui sourit, il ne manque plus que le succès. Malheureusement, le disque n'intéresse que peu d'animateurs de radio. Parmi ceux qui le défendent, figurent Claude Villiers (futur animateur du "Tribunal des Flagrants Délires"), Patrice Blanc-Francard et Bernard Lenoir (piliers des Enfants du Rock à la télévision au début des années 1980). Tous trois programment « Evelyne et moi » dans leur émission "Pas de panique" sur France Inter.
Mélodie S.A. et Catherine Ferry La presse est également assez froide. Le magazine "Salut" est un des rares à s'intéresser de prés à Daniel puisque trois pages lui sont consacrées. Pour un chanteur peu connu, il s'agit vraiment d'une promotion formidable. Après l'échec de « De vous à elle en passant par moi », Daniel monte le groupe Mélodie S.A. avec ses frères Guy et Bernard Balavoine. Le nom de la formation a été inspiré par la petite fille que vient d'avoir l'épouse de Guy. Mélodie S.A. réalise deux 45 tous chez Barclay. Le premier paraît pendant l'été 1975 et comporte les chansons « Et je m'en vais » (reprise de « Then he kissed me » des Crystas, adapté en 1963 par Richard Antony) et « Si peu d'été » (paroles de Guy Balavoine, musique de Patrice Schreider). Il est diffusé pendant quinze jours à la radio mais en plein mois d'août, ce qui ne contribue pas à l'amélioration des ventes. De son côté, Daniel a réalisé un nouveau 45 tours intitulé « Vienne la pluie », avec « La tête en bas » en face B. Ce disque recueille guère plus de suffrages que le précédent album « De vous à elle en passant par moi ». De plus ce simple connaît des problèmes dès sa sortie car le tableau "Les vacances de Hegel" (1958) de Mgritte qui orne la pochette a été emprunté sans autorisation ! En cette année 1975, Daniel ne chôme pas puisqu'il écrit également pour Catherine Ferry. Deux morceaux paraissent sur un premier 45 tours, « Julia Mon Coeur » et « Chanson pour toi ». Quelques mois plus tard, Daniel compose « Petit Jean » qui figure sur la face B de « 1, 2, 3 », tube qui fait connaître Catherine Ferry au grand public lors du concours Eurovision de la chanson en 1976.
Simon et Gunther... Stein Comme la réussite le boude, Daniel Balavoine choisit d'errêter... Léo Missir s'inquiète mais Daniel, lucide, répond qu'il est incapable d'écrire de nouveaux titres qui se démarquent vraiment de son premier album. En 1976, Daniel s'accorde le temps de la réflexion nécessaire à la création artistique. Il suit Catherine Ferry, sa fiancée, qui connaî le succès avec « 1, 2, 3 ». Catherine est appelée par de nombreuses chaînes de télévision en Europe. A cette occasion, Catherine et Daniel s'envolent pour la Pologne. Le jeune chanteur idéaliste en revient bouleversé Ce besoin se traduit par la réalisation d'un deuxième 33 tours : « Les aventures de Simon et Gunther... Stein », qui sort en avril 1977. Il s'agit d'un album-concept qui a pour cadre le mur de Berlin, enchaînant les titres : « Correspondances », « La porte est close», « La réponse», « Mon pauvre Gunther », « J'entends cogner ton coeur », « Lise Altman », « Les aventures de Simon et Gunther », « Lady Marlène», « La lettre à Marie » et « Ma musique et mon patois ».
Lady Marlène L'histoire repose sur deux frères qui se sont donnés rendez-vous le 13 août 1961, rue Bernauer, lieu où est précisément édifié le premier pan du mur. Séparés par cette sournoise frontière, tous les deux établissent une correspondance. L'ensemble du disque est sombre et l'histoire s'achève par la mort de Simon, abattu alors qu'il tente de passer à l'Ouest. Pour « Les aventures de Simon et Gunther... Stein », Daniel bénéfice des moyens qu'aurait obtenu un chanteur déjà fort célèbre. Léo Missir contribue largement à ce privilège. Balavoine a choisi ses propres musiciens et son ingénieur du son, il s'agit évidemment d'Andy Scott. Les amitiés forgées au cours des sessions du LP « Chrysalide » de Patrick Juvet se révèlent très constructives. « Les aventures de Simon et Gunther... Stein » bénéficie d'une promotion plus grande que l'album précédent. Il en est tiré le simple « Lady Marlène » / « La porte est close ». « Lady Marlène », chanson-phare du disque, est diffusée sur toutes les radios et jusqu'a dix fois par jour sur Europe n°1 pendant deux mois. Les auditeurs, agacés par ce matraquage, téléphonent pour manifester leur lassitude. Daniel est invité chez Michel Drucker, à plusieurs reprises chez Patrice Laffont à "1 sur 5" et dans "Musique and music" présenté par Jacques Martin le 29 mai 1977.
Musique et Patois Le deuxième album de Daniel Balavoine connaît un succès d'estime, il se vend à quelque cinq mille exemplaires et a droit à un second extrait en 45 tous : « Ma musique et mon patois » / « Lettre à Marie », tout un symbole. Des journalistes apprécient ce disque à sa juste valeur, comme ceux de Rock & Folk. Ce sera d'ailleurs la seule critique que Daneil obtiendra dans cette revue. Son premier album : « De vous à elle en passant par moi », a été un tel échec que Daniel en est marqué profondément, au point de ne plus jamais en interpréter le contenu. En revanche, Balavoine garde un petit faible pour son deuxième 33 tours car il lui a permis de se faire connaître des médias.
En route vers la gloire Parmi les nombreuses anecdotes illustrant l'historique du deuxième album de Daniel Balavoine : « Les aventures de Simon et Gunther... Stein », figure celle qui concerne Elisabeth Balavoine, sa maman. Lors de l'enregistrement du titre « Lise Altman », Elisabeth joue le rôle de la maman des frères Stein. Elle annonce à Simon, l'aîné des frères Stein, une bien triste nouvelle : « Tu vois mon petit, c'est pareil ici, ne dis rien à tes amis mais jeudi à midi ils ont emmené ton père aussi. » Enfin, en 1977, Daniel Balavoine redevient choriste sur l'album « Roman-Photo » d'Alain Bashung. A cette occasion, il retrouve Daniel Darras avec qui il avait travaillé dans le groupe Présence. Dès lors, touché de plein fouet par la gloire, Balavoine assume son succès médiatique, jusqu'a sa mort lors du Paris-Dakar, le 14 janvier 1986, où il participe à l'opération "Pari du Coeur", supervisant l'installation de pompes à eau en Afrique. Après sa disparition, Vogue en profitera pour rééditer ses premières chansons avec le simple : « Viens vite » / « Lire un livre » de 1973, augmenté de l'inédit : « La Confiture ». Ces trois morceaux sont repris sur un mini-album (rédité plus tard en CD) avec le 45 tours de 1971 de Présence : « Le jour s'est levé » / « La lumière et la folie », plus deux autres inédits de Daniel Balavoine de 1973 : « Tout va bien » et « Même sans tes fleurs », bouclant la boucle. Thierry Rouault
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