Balavoine, basque de coeur (Sud Ouest, 14 janvier 2016)

SOUVENIRS Si le chanteur est musicalement né à Pau, c'est sur la Côte basque qu'il a trouvé la sérénité correspondant à son tempérament

FÉLIX DUFOUR

Cimetière de Ranquine, section III, à Biarritz. Daniel Balavoine, 5 février 1952 - 14 janvier 1986. La tombe de marbre blanc est balayée par les bourrasques de vent et de pluie. À peine jaunie par le temps. Dépouillée de fleurs, comme le souhaitait sa famille. Les multiples témoignages d'affection se sont accumulés depuis trente ans, dans un carré qui la jouxte.

Ce jeudi 14 janvier marque les 30 ans de la disparition de Daniel Balavoine, décédé tragiquement en marge du Paris-Dakar. L'anniversaire est accompagné d'émotion et d'abondants hommages dans les médias. Depuis quelques jours, les rangs se sont resserrés devant la tombe de l'artiste, où un dépôt de gerbe est organisé ce matin, à 11 heures. Il y aura du monde.

Véronique, elle, a toujours été présente. Daniel est mort quand cette admiratrice avait 12 ans. Le personnage, parfois colérique mais perpétuellement généreux, a été une révélation pour elle. Comme il semblait l'être, samedi sur TF1, pour une génération qui ne l'a pas connu.

Ceux-là n'ont pas assisté au tumulte de ses obsèques, célébrées le 22 janvier 1986 dans une église Sainte-Eugénie envahie de caméras et de célébrités comme Michel Drucker, Michel Berger, France Gall ou Bob Geldof, l'organisateur des concerts de Live Aid.

On se souvient également des visages des intimes comme Jean-Jacques Goldman, Catherine Ferry - dont il fut le choriste -, son frère Yves ou encore Léo Missir, le directeur artistique d'Eddy Barclay, qui fut l'un des rares à tenir tête au producteur afin que l'on donne enfin sa chance au jeune chanteur palois.

Cohue dans le cimetière

En ce triste jour, dehors, des haut-parleurs diffusaient sur le parvis " Un enfant assis attend la pluie ", le titre de son dernier album et " Sauvez l'amour ", cri de son engagement pour le Sahel. Même cohue dans les allées du cimetière du Sabaou, dans le quartier Saint-Martin, lors de l'inhumation. En raison de la brutalité de son décès, son cercueil fut mis en terre dans un caveau provisoire de la famille, avant d'être transféré plus tard au cimetière de Ranquine.

Pour sa mère Élisabeth, pour ses frères Bernard (l'aîné psychiatre), Guy (l'artiste) et Yves (l'officier parachutiste), ainsi que ses soeurs Marie-Françoise et Claire, il était évident que Daniel devait " rester " à Biarritz, sa ville de coeur.

Une gratitude tardive

Si Pau fut la ville de son enfance, de son adolescence et de sa naissance artistique, Biarritz devint la résidence de la seconde partie de sa vie. Après avoir vécu dans un appartement sur les hauteurs de la cité balnéaire, quartier Pétricot, il avait jeté son dévolu sur la Milady. " Moi, les tempêtes et ce bruit de l'océan, ça me dope, disait-il. Cela m'inspire vraiment. "

Quand une télé voulait réaliser un reportage sur lui, il répondait : " D'accord, mais pour un véritable portrait, vous passez par Biarritz. C'est mon élément, mon univers ". C'était aussi la région de sa bande de copains, amis de la Côte avec lesquels il fêta son dernier réveillon.

Quand il disparut, la station balnéaire mit du temps à lui exprimer sa gratitude, malgré la promotion qu'il lui faisait. Il fallut d'abord l'initiative d'un policier, pompier bénévole à la caserne d'Anglet, Yon Elgue. Le jour de sa mort, bouleversé, il écrivit un poème, puis se lança dans l'organisation de la Balad'du coeur, entre la Grande Plage et la Côte des Basques, dans le but de récolter des fonds pour poursuivre l'oeuvre de Daniel Balavoine au Mali. Son ami du Pays basque, Jacques Durruty, et sa soeur Marie-Françoise, l'aideront à monter cette opération.

La manifestation durera trois ans sous sa houlette, avec un saut en parachute effectué par Yves, l'un des frères de Daniel Balavoine, à la fin de ce défilé du coeur. Yon Elgue passera ensuite le relais au comité des fêtes.

Lieu de mémoire polémique

Plus dure sera l'attribution d'un lieu à sa mémoire. Un frein va faire obstacle : ses propos sur les anciens combattants, suite à l'attentat du Drakkar, au Liban, où se trouvait Yves, son frère.

À l'époque, Bernard Marie était maire de Biarritz et se trouvait au premier rang, avec sa ministre de fille, lors de la première Balad'du coeur. En revanche, il sera contraint de freiner des quatre fers malgré une campagne conjointe de " Sud Ouest " et de " Télé 7 jours " : " Vous comprenez, avait-il dit, les anciens combattants n'ont pas vraiment digéré ses propos et ils font le siège de mon bureau. "

Son successeur, Didier Borotra, mais surtout son adjoint à la culture, Jakes Abeberry, saisiront la balle au bond. Conseiller municipal et président de Denekin, Alain Amagat cherchait un nom pour la Maison de quartier construite à Pétricot. " Daniel Balavoine " était tout désigné. Yves, Guy et Claire donnèrent leur accord. Et c'est ainsi qu'elle fut inaugurée en grande pompe par une chaleur torride, en mai 1992, avec la devise : " Dire ce que l'on pense et penser ce que l'on dit. "