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L'inoubliable Daniel Balavoine
18 juillet 2021

« C'était mon frère et aussi mon ami » (Sud Ouest, 26 janvier 2006 )

 

 

Propos recueillis par Serge Airoldi

guy

DAX. Guy, le frère du chanteur Daniel Balavoine disparu en 1986, se souvient

« Sud Ouest ». Vingt ans ont passé depuis la disparition de votre frère Daniel, le 14 janvier 1986, dans l'accident de l'hélicoptère qui suivait le rallye Paris-Dakar dans le désert. Comment vivez-vous avec ce souvenir, aujourd'hui ?

Guy Balavoine. Aujourd'hui, Daniel est devenu une icône que l'on idolâtre. Et je crois qu'au lieu de l'idolâtrer, ce que je trouve idiot, il vaudrait mieux l'aimer pour ce qu'il était vraiment et essayer simplement d'être debout comme il l'était. Daniel, quoi qu'on dise aujourd'hui, n'était pas le Gandhi de l'humanitaire, ni le Nietzsche de la pensée philosophique, ni le Mozart de la musique. Bien sûr, et je pense à la musique, il était en avance sur son temps. Il voulait être le meilleur dans ce domaine. Mais son parcours n'a rien à voir avec tout ce qu'on peut raconter aujourd'hui.

Qui était alors votre frère ?

Comme me l'a dit un jour un ami qui l'avait connu tout jeune : « Daniel, c'était un bon petit gars très doué en musique ». C'était un être normal, qui ne supportait pas l'injustice, le mépris, le non-respect de la dignité des autres, le racisme. Mais pour lui, tout cela était très normal. Quand on lui a remis en 1985 le prix SOS Racisme pour sa chanson « l'Aziza », il était très étonné. Pour lui, il n'y avait rien d'exceptionnel à défendre des principes tels que le refus du racisme.

Le 14 janvier 1986, comment apprenez-vous sa disparition ?

Je n'ai appris l'accident que le lendemain, en téléphonant à ma femme pour lui dire que j'avais un rendez-vous à Dax... Sa disparition a été une grande déchirure. C'était mon petit frère, il avait cinq ans de moins que moi (1). C'était aussi mon ami. Nous étions à Cendrillon (2) ensemble. Nous avons commencé à chanter ensemble. Je faisais les choeurs sur ses albums, jusqu'au sixième (3)...

Que ferait-il aujourd'hui ?

Je n'en ai absolument aucune idée. De toute façon, il n'aurait pas fait de politique, contrairement à ce que l'on peut dire. Les compromis et les compromissions, il ne les aurait pas acceptés. Ce qui est sûr, c'est qu'au moment de sa disparition, il allait faire une carrière internationale. Il se préparait à partir en Grande-Bretagne puis aux Etats-Unis. Beaucoup de gens, comme PeterGabriel qu'il connaissait, s'intéressaient alors à ce qu'il faisait. Il a vraiment apporté quelque chose à la chanson et au spectacle français. Ce n'est pas un hasard si, vingt après, on passe toujours ses chansons à la radio. A l'époque, il en avait assez d'entendre dire que les Français étaient nuls. Il voulait être aussi bon que les Anglo-Saxons...

Je voudrais revenir sur cette déchirure qu'a été sa disparition et parler d'une autre.

Laquelle ?

J'ai été très triste et très touché lorsque Guy Boniface est mort dans un accident de la route. Pour moi, alors, les deux frères représentaient sur un terrain de rugby et dans la vie l'élégance même. Il y a environ deux ans, j'ai dîné avec André Boniface. Nous avons parlé et nous étions dans la même situation tous les deux. Nous avons perdu un petit frère. Je m'appelle Guy. Je suis né à Saint-Sever, là où Guy Boniface a eu son accident. Tout ça était très étrange pour moi... Mais bien sûr, la grande déchirure c'est celle de Daniel... Que puis-je dire de plus sinon que cette douleur, c'est finalement celle de tout le monde, dans une situation comparable.

Quelle fut votre dernière conversation avec lui ?

 

C'était le 3 janvier 1986. Je lui avais proposé de partir avec lui...

Que croyez-vous qu'il dirait du monde d'aujourd'hui ?

Peut-être serait-il aujourd'hui dans le camp des altermondialistes encore que je ne me sens pas le droit de parler en son nom. Une chose est sûre pourtant, il serait toujours révolté devant le spectacle de l'hyperlibéralisme triomphant, devant l'écart qui se creuse toujours plus entre le nord et le sud, devant la triste réalité des gens sans domicile qui dorment dehors quand il fait très froid.

Régulièrement, on rediffuse la fameuse émission du 19 mars 1980, quand votre frère interpelle François Mitterrand dans le journal télévisé « Midi A2 ». Est-ce que ce n'est pas lassant pour vous et un peu réducteur pour lui ?

Dans cette affaire, tout le monde entend ce qu'il veut. Aujourd'hui, on retient l'esclandre, le coup de gueule et aussi quelques petites phrases. On a oublié que parmi tout ce qui a été dit sur le plateau, il y a cette question sur les taudis dans lesquels habitent des immigrés moyennant un loyer exorbitant. Qui ose louer des poubelles à ce prix-là à de pauvres hères ? Voilà une des questions que pose Daniel ce jour-là. Et vingt ans plus tard, on n'a toujours pas répondu.

(1) Daniel Balavoine était né en 1952. Il aurait eu 54 ans le 5 février prochain. La fratrie compte quatre frères, dont Guy, et deux soeurs dont l'une, Claire, s'occupe de la Fondation Daniel Balavoine créée en mars 1986. Les parents de Daniel Balavoine sont originaires de Saint-Sever. La famille a aussi des racines au Pays Basque. Guy Balavoine partage aujourd'hui sa vie entre les Landes et Anglet

(2) L'établissement privé de Dax s'appelle aujourd'hui le lycée Saint-Jacques de Compostelle

(3) Vendeurs de larmes

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