Cool Magazine octobre 1985

A propos de tes chansons ?

"Aimer est plus fort que d'être aimé"

C'est une chanson sur l'engagement. Le problème c'est que je ne parle pas parce que je suis courageux, sinon il suffirait qu'on me fasse vraiment très peur pour que j'arrête. Je parle parce que je ne peux pas faire autrement et que rien ne peut arrêter ça. Cette chanson-là est un peu autobiographique, c'est-à-dire que je ne sais pas très bien tout le mal que l'on peut dire de moi quand je réagis à certaines choses. J'ai subi quelques menaces, mon entourage aussi, mais faudrait que les gens qui essaient de nous faire peur comprennent que je ne suis pas particulièrement courageux. Le peur qu'ils peuvent provoquer est plutôt mobilisatrice.

"Tous les cris, les SOS"

C'est à la fois une chanson extrêmement négative et remplie de malaise dont le texte est simple. C'est quelqu'un qui est tellement vidé de toute idée et de solution que pour faire comprendre qu'il est mal, il envoie à la mer des bouteilles vides, sans papiers dedans, en espérant que si quelqu'un récupère cette bouteille, il comprendra que ce qu'il y a de plus horrible, c'est le vide. C'est la détresse totale. Ce n'est pas parce que je suis chanteur et que j'ai la vie que je mène que je n'ai pas des moments de détresse, je crois que si je ne les avais pas, je ne les écrirais pas. En même temps, c'est une chanson extrêmement positive parce que dans le deuxième couplet, je parle de gens qui sont dans la faiblesse et qui sont mal et que c'est vrai que quand on est privilégié, comme on l'est ici, on a des fois un petit peu de pudeur à appeler au secours, il faut le faire quand même. Et puis c'est une chanson qui dit aussi que tout ça se passe dans un monde où le plus beau reste à faire. On a tout l'avenir devant nous.

"L'aziza"

C'est une chanson d'amour où j'ai essayé de ne pas parler de ça comme tout le monde, style chanteur engagé, de passer à travers une chanson d'amour pour faire une chanson anti-raciste tout simplement. Elle parle d'une fille qui est Juive Marocaine. Là, j'ai complètement inversé les rôles puisque je lui dit que je veux d'elle à condition qu'elle m'accepte. Ça veut dire que quelque soit sa race, elle a le droit de m'accepter ou de me refuser. C'est une chanson de petit blanc (rires).

"Le blues est blanc"

C'est une chanson qu'on a faite pour s'amuser et qui parle de cafard.

"Sauver l'amour"

C'est le titre de l'album. C'est pour moi un texte essentiel qui dit simplement que ce qui est le plus en danger, ce n'est pas nous, ce n'est pas l'Ethiopie ou la politique, c'est l'amour lui-même. Je crois que les gens aiment de moins en moins et ont de plus en plus honte d'aimer. Je crois alors que c'est un sentiment qu'il faut réapprendre parce que c'est peut-être le seul qui tienne debout. C'est le seul qui n'ait pas besoin de structure pour exister. Ça existe et puis c'est tout.

"Petite Angèle"

Chanson sur la jeunesse, sur les mômes de 14 ans.

"Petit homme mort au combat"

C'est une chanson très dure sur les enfants de la guerre islamique, sur l'intoxication que les pouvoirs font à ces mômes. J'ai pris l'exemple de ces enfants-là dans le deuxième couplet, je dis que c'est au-delà de toutes frontières. C'est-à-dire que dans tous les pays, il faut expliquer aux mômes qu'il n'y a aucune cause qui mérite la mort d'un innocent. Puis, je finis par dire que j'espère qu'un jour, les adultes comprendront que les enfants ne savent pas à quoi ils disent oui. Donc, c'est l'histoire de ces mômes qui meurent à la guerre au nom de l'intoxication religieuse et politique.

"Ne parle pas de malheur"

Une chanson d'amour, un bon rock and roll.

"L'enfant assis attend la pluie"

C'est une chanson sur ces enfants qui meurent de faim et qui souffrent. Là, justement, j'ai essayé de changer une idée reçue ici, qui est en plus une très mauvaise idée. C'est l'idée que les mômes là-bas le peuple attend de nous la charité. C'est totalement erroné parce que ce n'est pas ça qu'il attendent, c'est la pluie. J'ai fait une chanson là-dessus parce qu'ils n'ont pas de T.V, de radio, ils ne savent pas ce qu'on est en train de faire. Ils voient effectivement de temps en temps des camions arriver avec de la bouffe, mais pour eux, c'est une solution précaire, c'est l'aide à l'urgence. Ils ont faim, ils voient arriver à manger donc ils mangent, mais c'est tout. Ça ne résout pas le problème. Leur problème, c'est le ciel qui est toujours bleu.